Le coût humain de la mondialisation (3)
- Notes de lecture (Partie 3)
L’analyse de Bauman le conduit à s’interroger sur les effets déstabilisants de la mondialisation sur la capacité de décision des gouvernements. La compression de l’espace/temps a creusé une faille entre politique et économique. Les capitaux économiques circulent beaucoup plus vite que tout le reste et n’ont plus de barrières spatiales. Les forces invisibles, anonymes transnationales, qui délocalisent les emplois sont des facteurs d’érosion du pouvoir politique et de dépérissement de l’Etat-Nation. Ce qui nous fait défaut aujourd’hui, c’est le manque de contrôle qui donne lieu à un nouveau désordre mondial. Pendant la guerre froide, le monde était divisé en deux blocs qui contrôlaient tout. Maintenant que le « Grand Schisme » appartient au passé, le monde ne ressemble plus à une totalité mais plutôt à une multitude. En effet, la mondialisation donne l’impression de ne plus contrôler les choses. Bauman opère alors une distinction entre universalité et mondialisé. Selon lui, l’universalité est source d’espoir, de projets, de volonté d’instituer un ordre. Elle prévaut l’égalité de tous face à la réussite dans l’existence. Aujourd’hui la mondialisation apporte des effets globaux, imprévus et involontaires. C’est un phénomène qui s’impose à nous. Ce phénomène anonyme est en partie dû à la faiblesse grandissante de l’Etat.
L’Etat a en effet perdu son rôle de maintien de l’équilibre dynamique des marchés où il n’a plus la main mise. Grâce à la porosité des économies nationales, due à la création de nouveaux Etats qui revendiquent leur statut d’indépendance, et la déterritorialisation de l’espace, les marchés financiers imposent leurs lois. L’Etat devient alors un appareil de sécurité au service des conglomérats. L’économie échappe au contrôle du politique. Il n’y a donc pas de contradiction entre la nouvelle extraterritorialité des capitaux et la prolifération d’Etats faibles et impuissants. Il y a bien un lien de causalité entre la mondialisation de l’économie et l’affirmation du principe de territorialité. Une des conséquences de ce processus est que plus personne n’est capable de mesurer cette tendance de libéralisation des échanges.
La finance mondiale est une source de surprises et de d’incertitudes. La fragmentation du politique et la mondialisation économique sont de proches alliés. Les technologies de la vitesse sont le détonateur de la redistribution de la souveraineté du pouvoir, et de la liberté d’agir. On assiste à une restratification du monde « qui met en place une nouvelle hiérarchie socioculturelle, une nouvelle échelle de répartition mondiale.» Il y a une division entre deux mondes. Le premier monde est celui de ceux qui sont libres, agissent comme ils veulent. Le second est celui de ceux qui subissent et sont contraints. Il s’ensuit donc une inégale répartition des richesses. Les riches sont de plus en plus riches, pendant qu’il y a de plus en plus de pauvres. C’est un des paradoxes de la mondialisation : « Elle est extrêmement avantageuse pour un très petit nombre de gens, et elle laisse de côté ou elle marginalise les deux tiers de la population mondiale. » Avant les riches avaient besoin des pauvres pour être riches. Aujourd’hui, non. Ils ont une liberté absolue.
Ce mensonge de la promesse du libre-échange est défendu par trois thèses que note Bauman :
- Ceux qui ont faim, on fait le choix de leur sort, les pauvres sont responsables de leur destin. Ils auraient dû se mettre au travail et avec de la volonté.
- Les conditions de vie, les maladies, l’illettrisme, la violence sont autant d’aspects de la pauvreté qui est souvent montrée sous l’angle de la faim. Les nouvelles technologies qui effacent le temps, appauvrissent leur espace.
- La partie développée du monde veut se protéger des menaces des parties pauvres (guerre, drogue, vandalisme, famine). L’idée d’ « un mûr de Berlin mondial » est même avancée pour se protéger de ces dangers. Cependant les pays développés continuent de fournir des armes aux pays pauvres pour soutenir leur croissance industrielle.